sophrologie

On fait du mieux qu’on peut

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Hier j’ai consacré mon après-midi à mieux me connaître, à mieux me comprendre.
Une amie m’avait donné les coordonnées d’une sophrologue, une magicienne selon elle.
Je pensais y passer une heure, faire un pas vers le lâcher-prise et la relaxation.

J’en ai passé trois, j’avais beaucoup de questions et du lourd à déposer. Je voulais découvrir des outils dont je pourrais me servir ensuite, en toutes circonstances. Que quelqu’un m’explique quoi faire lors de tel ou tel ressenti pour aller mieux.

J’arrive et je lui dis que je vais bien. Normal.
Je me présente, j’explique pourquoi je suis là, vaguement, parce que je ne le sais pas vraiment moi-même. J’ai simplement suivi une intuition, celle de prendre ce rdv lorsque mon amie m’a expliqué à quel point ces séances lui étaient bénéfiques.
Elle présente son parcours et explique sa pratique. Elle me demande ce qui me bloque en ce moment.
L’émotion m’assaille et ma gorge se noue au point qu’aucun mot ne peut sortir. Et mes yeux se mouillent.

D’une tonalité plus basse, plus lente et moins enjouée qu’à mon arrivée, je lui demande simplement : « est-ce que j’ai le droit d’être mal ? et de ne pas me sentir coupable pour ça ? ».

Autour de moi, des amies.s seules.s, divorcées.s, parents solo, en petite santé, ou en panne de job, et parfois même en cumul de mandats, j’en ai pléthore.
Alors moi, en couple, travailleuse autonome, mère de deux filles en pleine vitalité et qui réussissent leur parcours d’études, propriétaire d’une maison avec jardin, crédit terminé sur ma Fiat 500 sièges cuir, qui suis-je pour me plaindre ou pour trouver les choses difficiles ?
En ai-je le droit ? N’est ce pas un peu obscène ou ridicule de ma part ?

Ma vérité actuelle, ma grande épreuve, je lui explique et mes yeux rougissent. Mon nez aussi. Je fais une OPA sur la boîte de mouchoirs. Je fais face à cette situation que chacun et chacune peut rencontrer dans sa vie, pourtant de ne pas me sentir seule à vivre ça, ça ne m’apaise pas.
Depuis plusieurs mois, mon papa (j’ai conscience de la dimension infantile à écrire «mon papa» plutôt que «mon père» mais je l’assume au vu des circonstances) a des soucis de santé, sévères. Une maladie auto-immune, découverte récemment et assez fulgurante, qui lui plaque les genoux au sol. Il se bat de toutes ses forces, et tente de rester dans le train des montagnes russes.
Force G au max.
G pour gravité.

Quand tout allait bien, on appelait sans régularité, une fois de temps en temps pour donner ou prendre des nouvelles. Dès qu’on se met à appeler tous les deux jours, à demander comment ça va, à s’inquiéter des nuits passées, c’est que ça va déjà moins bien.
On a peur que ça s’arrête, trop vite, peur qu’on n’ait pas vécu ce qu’on avait à vivre, pas assez partagé, on n’est pas prêt à affronter le pire, on ne veut pas s’y préparer.

Vendredi dernier, je lui ai envoyé le MMS de ma tête avec des lunettes.
À peine reçue sur son smartphone, il m’appelle pour me complimenter sur ma nouvelle coupe de cheveux.
On rit, je lui dis « ce ne sont pas les veuch’ mais les lunettes la nouveauté ».
– « Des lunettes en bois, made in France … la soutenance à venir pour la grande … un passage en S pour la cavalière … un nouveau projet … un weekend entre amis … et toi, tu récupères comment de ta 5ème chimio ? »
– « Elle m’a mis un genou à terre, à la prochaine j’aurai les deux, après ça ira mieux ».

La sophrologue me ramène à des sentiments positifs.
On ne sait pas pourquoi la vie nous place sur certains chemins. Ni lui ne sait pourquoi la vie le fait passer par cette épreuve, ni moi non plus. Mais la vie est généreuse, toujours. Garder cette conviction permet de se dire que quoi qu’on vive, on apprend, au moins à traverser, à grandir, à comprendre.

Culpabiliser d’aller mieux que d’autres, culpabiliser de ne pas pouvoir aider plus que cela, culpabiliser de chialer au lieu d’être forte, cela ne sert à rien, qu’à s’auto-saboter. Ce n’est pas cela que la vie cherche à nous apprendre.
Rester dans la vie, dans le mouvement, dire je t’aime, vivre ce qu’il y a à vivre, conscientiser, respirer un grand coup (voire plusieurs), graver sa mémoire. C’est cela que la vie cherche à nous enseigner.

Plongée dans un état semi-conscient, je n’écoute que sa voix, je me sens partir en arrière, des fourmis envahissent mes doigts, mes mains, mes bras, mes épaules, mon cou, mes joues, ma tête, toute entière. Une vive chaleur de l’intérieur s’empare de moi.

« Visualisez un objet, un objet qui vous fait du bien », me dit la voix.
M’est apparu mon nouveau sac à main – où se cache la futilité, même dans l’inconscient ^^ -. Un magnifique sac en cuir végétal tressé tout mou, informe et beigeasse, qui a l’air d’avoir déjà vécu 72 ans. Il est posé sur le fauteuil du salon comme un camembert coulant, il est installé là, bien chez lui ! ».

Je me suis demandée, après avoir écrit cette page, si j’avais le droit de la publier sur mon blog. Si ce n’était pas indécent, si je n’allais pas me sentir coupable pour ça. Mais comme l’a dit Edouard Baer lors de la cérémonie d’ouverture du dernier Festival de Cannes : « Personne ne sait quoi faire, on fait du mieux qu’on peut, on avance, on trace sa route, on n’attend l’autorisation de personne ».

Ses mots, je les ai détournés de leur sujet, puisqu’ils concernaient en réalité la Créativité, celle dont on fait preuve pour réaliser sa vie. Si vous n’avez pas encore assisté à ce plaidoyer, prenez les 6 prochaines minutes pour le faire. Ça laisse sans voix !

Ma tristesse contenue est presque partie, je l’ai laissée là sur le tapis de la sophrologue.
Comme une petite fille qui a découvert un nouvel outil, celui de respirer, j’ouvre les yeux sur la vie, même si elle n’est pas toujours jolie. Finie, la culpabilité. J’ai l’impression de naître à moi-même aujourd’hui.


Image : Canal+

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